Avant-Propos

Le 9 septembre 2020, et en collaboration avec le Musée Archéologique de Cologne ainsi que l’Institut Technologique Européen des Métiers de la Musique, notre équipe s’est consacrée à l’étude d’un chevalet de lyre découvert au XIXème siècle dans une sépulture mérovingienne.
Depuis sa découverte, l’objet a connu un destin trouble et a notamment disparu durant plusieurs décennies dans des collections privées avant d’être acheté dans un lot par le Musée Archéologique de Cologne qui depuis, le conserve dans ses réserves. Bien que cet objet soit mentionné dans certaines publications, aucune étude approfondie ne lui a jamais été consacrée.
Quel est sont poids? quelles sont ses mesures exactes et complètes? quelle est la nature de sa composition? quelles sont ses possibles fonctions : sont elles seulement symboliques? ou fonctionnelle et musicales? toutes ces questions demeuraient sans réponses.
Au vu de la rareté des données connus quant au pratique musicale du premier moyen-age, et, considérant les moyens aujourd’hui à notre disposition, il nous est apparu comme évident de ne pas laisser plus longtemps dans l’ombre un objet aussi exceptionnel et avons entrepris de lui consacré toue l’attention et les égards qui lui sont du. Cette mission aura réuni sur deux année près de 40 acteurs de projets de 4 nationalités différentes.
Le savoir faire et le professionnalisme de chacun auront permis le bon déroulement du projet en conjuguant la Science, l’Artisanat et l’Art. Cette approche pluridisciplinaire permettra, nous l’espérons, de faire avancer l’état des recherches et d’offrir au grand public comme aux professionnels, une meilleurs compréhension des coutumes musicales de l’époque mérovingienne.

Seule et unique photo connue de l’objet avant la mission. Daté de 1920 ce document a été conservé par les archives du Musée Archéologique de Cologne.

Numérisation 3D - Chevalet de Concevreux
©PRIAE

LA MISSION

PHASE 1

-ANALYSE MÉTROLOGIQUE
-CRÉATION D’UNE BASE DE DONNÉES NUMÉRIQUE

Effectuer une série de relevés avec les moyens actuels (photographique, numérisation, photogrammétrie, mesures) en vu d’enrichir la base de donnée concernant cet artefact au sujet duquel il n’existe qu’une photographie de 1920 et une absence quasi-totale d’information quant à sa nature, son contexte de découverte ou encore, sa/ses possible(s) fonction(s).

PHASE 2

-RECHERCHE
-RECONSTITUTION

L’objectif sera ici de développer une méthodologie non destructive qui permettra d’identifier la composition de l’objet ainsi que la nature de son alliages dans ses proportion exacte; sans avoir à effectuer de prélèvement. L’identification de l’alliage ainsi que des propriétés massiques structurelles de l’objet permettront la réalisation d’un modèle numérique avec lequel seront menées plusieurs expériences et simulations.
Ces différentes analyses permettront également de produire un facsimilé de l’objet d’une grande précision. La fabrication de ce facsimilé reposera sur les données produites par les précédentes étapes et sera réalisée grâce à un protocole d’archéologie expérimentale reproduisant le plus fidèlement possible les méthodes de production de l’époque mérovingienne, pour un résultat au plus près de la réalité historique.
Après vérification de la conformité du facsimilé par rapport à l’originale avec un pourcentage de variabilité acceptable, nous pourrons procéder à des expériences en contexte musical grâce à deux instruments reconstitués suivant au même procédé.

PHASE 3

-PUBLICATION
-MÉDIATION
-EXPOSITION VIRTUELLE
-CONFÉRENCE

-CONCERT

Comme pour chacun des projets menés par le PRIAE, la finalité réside dans la transmission et l’accessibilité; aussi, nous conclurons ce travail de recherche par plusieurs publications à destination des professionnels, des chercheurs et des étudiants via des journaux et bulletins scientifiques à comité de relecture; mais aussi à destination du grand public via des publications dans des revues et magazines scientifiques, des émissions radio/TV etc.

En complément à la rédaction d’une page dédiée à la mission sur le site internet du PRIAE et sur laquelle il sera possible de consulter l’ensemble des données produites (photos/vidéos/documents 3D, etc); nous produirons une exposition virtuelle accessible gratuitement qui permettra au public de découvrir le sujet de façon immersive et interactive.

Nos travaux contribueront également à la réalisation du parcours permanant de notre partenaire : Le Musée Archéolgique de Cologne.

Au cours de l’année 2021 2022 et 2023, trois conférences seront proposées au Musée Royal de Mariemont (BE), au colloque d’archéo-lutherie de St Guilleme du désert ainsi qu’a l’auditorium du Musée d’Archéologie Nationale de St Germain en Laye.

Enfin, afin de faire place à la musique et de proposer au public une découverte en musique, une création originale axée autour de la reconstitution du chevalet et de l’instrument sera commandée à l’ensemble The Dragon and the Dove qui réunira pour l’occasion une équipe internationale composée d’instrumentiste de l’Académie Royale de Londres, de l’Académie Royale d’Édimbourg ainsi que des chanteurs de l’Université Montpellier III.

MÉTHODOLOGIE

Numérisation 3d

Cette méthode permet de créer une copie numérique d’un objet en utilisant un scanner. Cela permet dans un premier temps d’enrichir les bases de données numériques facilitant le travail à des chercheurs et des étudiants du monde entier. Le document 3D permet une conservation numérique de la géométrie, voire de la couleur, s’il est couplé à une photogrammétrie, ce qui se révèle précieux lorsque certains artéfacts viennent à se dégrader (naturellement, vandalisme, etc.) ou à subir un vol ou une perte. Aussi, le document 3D ouvre de nombreuses perspectives sur le terrain de la médiation par la création de musées virtuels en ligne, de modules de médiations technologiques de type holographiques ou la reproduction de facsimilé. Ici, la numérisation sera réalisée par le scanner Artec™ Spider et permettra de capter la géométrie de l’objet, indispensable à notre étude.

Vibrométrie Laser

La vibrométrie laser permet de mesurer sans contact les vibrations à la surface d’un objet. Une analyse permet alors de déterminer quels sont les modes de résonance de la structure, c’est-à-dire des façons bien particulières de vibrer en fonction de la fréquence. Conjuguées à la numérisation 3D et aux simulations, cette approche permet d’identifier les propriétés mécaniques (rigidité, amortissement) de l’objet; éléments précieux qui permettra, conjugué aux autres relevés, de dresser la « carte d’identité » précise de sa composition.

Conductimétrie

Étudier les propriétés électriques de l’objet a permis d’obtenir davantage d’informations. La résistance électrique de l’objet étant aussi un témoin de sa nature. Cela permet d’évaluer la composition de l’objet de façon non destructive afin d’aider le travail de reconstitution en étant au plus proche des matières utilisées et de leurs proportions.

Résultat de l’analyse combinatoire

La méthode non destructive que nous avons développée est un franc succès grâce à cette approche combinatoire impliquant plusieurs procédés métrologie dont les résultats ont convergé vers l’identification de la composition de l’alliage sans qu’aucun prélèvement n’ait été effectué.

Le poids de l’artefact conjugué à son volume révélé par la numérisation 3 D, ainsi qu’à sa conductivité et ses propriétés vibratoires et mécaniques identifiées par le vibromètrie, convergent vers la modélisation d’une composition de bronze présentant un rapport de 91% de cuivre et 9% d’étain. (rapport conforme aux proportions couramment observées dans la réalisation du bronze à l’antiquité ainsi qu’à l’époque gallo-romaine.) Au vu de son succès, cette nouvelle méthodologie permettant l’identification de la nature d’un objet métallique de manière non destructive fera prochainement l’objet d’une publication.


Reconstitution du Chevalet

Pour la suite de nos expériences, nous avons eu besoin de reproduire le chevalet le plus fidèlement possible dans sa forme comme dans sa composition, aussi nous avons produit une matrice du chevalet en polymères grâce au document 3D produit précédemment. Pour la réalisation elle-même, nous avons choisi de reproduire la technique employée à l’époque mérovingienne et grâce à l’archéologie expérimentale et u procédés fonte à Cire perdue en respectant scrupuleusement les proportions de cuivre et d’étain identifiées par les analyses.
Une fois produit, nous avons entrepris de soumettre le facsimilé aux mêmes examens qu’a l’artefact original afin de vérifier sa conformité avant de procéder aux prochaines expériences.
Le résultat a démontré que le facsimilé est similaire à l’originale dans son poids, son volume comme ses capacités vibratoires, le tout avec seulement : 6% de variabilité.
Le facsimilé est donc quasi identique à l’originale et sera un élément précieux pour de prochaines expériences.

Reconstitution DE L’INSTRUMENT

Afin de mettre à l’essai en contexte musical le facsimilé, nous avons été confronté à une difficulté. En effet, il aurait été appréciable de reconstituer l’instrument qui accompagnait le chevalet dans la sépulture mérovingienne, hors, si on se fit au rapport archéologique, il n’y en avait pas. à noter, soit aucun instrument n’a été inhumé avec le défunt, seulement le chevalet(dont l’archéologue de l’époque ignorait la vraie nature et qu’il qualifie de : « curieux objet prismatique »); soit l’instrument était dans un état de dégradation tel du fait de mauvaise condition hygrométrique, que ses fragments sont passés complètement inaperçus. (les méthodologies de 1870 n’étaient pas les mêmes que de nos jours, ceci expliquant d’ailleurs la disparition de l’objet dans le circuit des collections privées).
Quoi qu’il en soit, nous n’avons aucune donnée quant à la nature de l’instrument qui à pu accompagner ce chevalet dans cette sépulture, si jamais il y en à eu un.
Aussi, afin de mettre à l’essai le chevalet avec un instrument pertinent pour l’expérience, nous avons entrepris de sélectionner les candidat possible en identifiant les instrument découvert par l’archéologie datant de la même période, provenant du même peuple et possédant le même nombre de cordes. (en soit, un instrument sur lequel il aurait été le plus vraisemblable de voir positionné le chevalet à l’époque.)
Nous avons porté notre choix sur deux instruments (car nous souhaitions avoir deux variables afin d’être plus objectif) la lyre de Cologne découverte dans la chapelle st Séverin de la cathédrale de Cologne (VIIème) et la lyre découverte dans la nécropole du Wurtemberg à Oberflacht (VIIème). Outre leur proximité temporelle et géographique avec notre sujet d’études, ces deux lyres ont été découvertes sans chevalets à la différence de la lyre de Trossingen (VIème) qui sans quoi, aurait également fait une excellente candidate.

Les instrument ont été reconstitués grâce aux données fournis par les Musée de Cologne et de Stutgart sur la base d’un protocole d’archéologie expérimentale tenant compte de l’outillage, des technique et des matériaux identifié sur les reste des instruments.Une trousse à outils à été spécialement forgée d’après l’outillage découvert dans plusieurs sites et nécropole mérovingienne. (Concevreux/Avranche/St Dizier/Wurtenberg)


CONCLUSION DE L’EXPÉRIENCE

Les analyses numériques et les expériences en contexte de jeu démontrent la parfaite fonctionnalité musicale du chevalet de bronze de Concevreux. À la lumière de nos conclusions, rien ne laisse à penser que cet objet n’ait pu être utiliser en contexte sur un instrument.

EXPOSITION VIRTUELLE / CONFÉRENCE

Afin de faire découvrir notre travail à un large public et par des moyens actuels, nous avons décidé de créer une exposition virtuelle et gratuite (voir ci-dessous) par laquelle il est possible de parcourir les photos réalisées par notre photographe Laureen Keravec. Le public pourra également manipuler des documents 3D haute définition du chevalet de Concevreux et de la lyre de Cologne. Chaque étape de la mission y est expliquée par les différents acteurs de projet grâce à des capsules vidéo. Il sera également possible de voir l’intégralité de la conférence de présentation du Projet LEIA tenue par Julian Cuvilliez au Musée Royal de Mariemont, et d’écouter la composition musicale réalisée avec les reconstitutions par Ar Bard Production et l’Ensemble The Dragon and the Dove.
En complément de cet environnement virtuel en 360° réalisé par notre partenaire E-Mage-In 3D, nous mettons à la disposition du public un lien de téléchargement de l’exposition en Full HD, qui permettra une totale liberté de mouvement ainsi que l’accès à des modules de médiation interactifs complémentaires et inédits.
Pour finir, nous avons enregistré en studio les différentes notes de la reconstitution de la lyre Cologne et du chevalet de Concevreux et les avons sampler afin de creer un instrument virtuel interactif que le public peut dès à présent jouer avec l’aide du clavier d’ordinateur.